Échiquier politique

J’ai de la difficulté à me situer sur l’échiquier politique. Pour certaines choses, je suis de droite, pour d’autres, je suis de gauche. Mais peut-être devrait-on repenser cette dynamique gauche-droite. Si je devais me définir, je dirais que je suis une sorte de traditionaliste conservateur. Suis-je de droite pour autant ? Non, parce que je ne supporte pas la liberté de faire des affaires au détriment du progrès social. D’accord, j’aime l’ordre, les uniformes, le civisme, la politesse, le respect… mais je déteste la discrimination, le racisme, l’injustice sociale en générale. Alors, que suis-je, donc ?

Mettons certaines choses au clair.

À mes yeux, l’inégalité la plus moralement insoutenable du monde contemporain réside dans le fait que des êtres humains vivent dans des contextes de conflits permanents avec deux ou trois dollars par jour. Ce n’est pas le trans qui souffre d’un problème d’identité. Et surtout pas ceux qui viennent pleurer devant la caméra parce qu’ils ne peuvent partir en Europe en raison des lenteurs de l’administration fédérale. Non, c’est ce Somalien, ce Congolais du Nord-Kivou, ce Palestinien, ce Malien, ce Bangladais. Deux priorités devraient gouverner le monde : l’environnement et la lutte contre les inégalités entres les personnes de tous les pays. Et on ne fait pas grand chose ni pour l’une ni pour l’autre, même si on donne le change en dénonçant des entorses aux droits de la personne, planqué confortablement dans un condo des quartiers centraux.

Ce qui rend difficile mon positionnement sur l’échiquier politique réfère aussi au fait qu’au fond je ne m’intéresse pas (ou très peu) au monde contemporain. Cette guerre entre la Russie et l’Ukraine nous oblige à prendre partie, et j’ai horreur de ça. Je regrette le temps où des cinéastes comme Costa-Gavras, où des écrivains dénonçaient l’action de nos propres gouvernements et de l’Occident en général. Aujourd’hui, on a perdu tout sens critique et, sous couvert d’environnement (qui est une bien vaste rigolade), on en vient presque à considérer nos hommes d’affaires, nos entreprises (il faut voir la pub de McDo pour le croire) et nos gouvernements comme étant de gauche tellement ils clament leur volonté de lutter pour l’équitabilité sociale et l’inclusion. Même aujourd’hui, j’entendais parler à la radio une animatrice qui critiquait positivement le podcast de Meghan Markle et de Sophie Grégoire, deux millionnaires dans leur maison de Californie, comme bénéfique pour l’avancement des femmes. Toute cette gauche-caviar finit par me lasser. Imaginez le Comorien, le Somalien, le Yéménite, qui vit toujours avec 200 dollars par mois et qui a besoin d’obtenir un visa pour aller dans le pays voisin. S’il reste des inégalités en notre monde, c’est là qu’elles se trouvent, pas ici parce qu’une personne racisée s’est fait demander ses papiers au volant de sa cylindrée allemande.

Je ne sais toujours pas où me situer sur l’échiquier politique. Vous me direz, d’accord ? Je remarque simplement que, en vivant dans une démocratie libérale, on a l’illusion d’être libre et, sans doute, le sommes-nous dans un certain sens. En revanche, tout le monde pense de la même manière : on est tous devenus des radio-canadiens ayant comme valeurs l’égalité hommes-femmes, l’antiracisme (alors que la plupart d’entre nous vivons entre nous), l’avortement, l’antifascisme (dans une démocratie libérale, sérieux ?), le recyclage des déchets (même si nos rues sont jonchées de VUS polluant). Oui, nous sommes libres, mais nous pensons tous un peu la même chose, et tout ce qui s’en écarte s’avère associée à la droite (dont peu de gens pourraient définir). Nos montées d’indignation dissimulent les vrais problèmes du monde : pauvreté, pays maintenus dans leur isolement (la plupart des habitants des pays du sud ne peuvent bouger sans un visa), domination mondiale par nos technologies, etc.

Alors, où je me situe sur l’échiquier politique ? Franchement, je ne sais plus…


Dans un billet ultérieur, j’ai tenté de repenser – bien maladroitement, je le reconnais – cette dynamique gauche-droite. Lire le billet : Que signifie être de gauche aujourd’hui ?