Colonialisme, nationalisme et terrorisme : propos décousus sur les felquistes

Même si je n’adhère pas à la phraséologie révolutionnaire des felquistes, je ne peux m’empêcher d’éprouver une certaine admiration pour Paul Rose, le gars de Saint-Henri qui a vécu son enfance à Ville Jacques-Cartier, un bidonville au pied du pont du même nom. Pourquoi ? Peut-être parce que je comprends la volonté de ces hommes et ces femmes qui œuvraient à l’avènement d’un monde plus juste. Et je comprends surtout l’humiliation ressentie par ceux qui ont vécu sous un régime colonial. Par conséquent, même si certains mettent en lumière les agissements criminels de certains felquistes (bombes, enlèvements, meurtres – non prémédités, toutefois), je n’arrive pas à les condamner haut et fort comme le font ceux qui sont du bon côté de la clôture, ceux qui n’ont jamais manqué de rien et qui ne cessent de faire preuve d’arrogance envers leurs semblables moins bien nantis qu’eux.

Je suis plus jeune que les felquistes qui ont œuvré pendant les années 1960. Mais je me souviens de mon père qui, pour maintenir son emploi d’ouvrier dans une usine de Montréal-Est, a dû suivre des cours d’anglais le soir après sa dure journée de travail. Il n’avait pas besoin d’apprendre cette langue pour opérer sa machine, non ; il en avait besoin pour comprendre les directives de son contre-maître qui ne parlait pas trois mots de français. Cette humiliation du colonisé, Paul Rose l’a ressentie comme plusieurs Québécois des années 1960 qui venaient à peine d’accéder à l’éducation.

J’ai souvent discuté avec des nouveaux arrivants, notamment parce que mon épouse a travaillé pendant des années dans un organisme communautaire qui œuvrait à leur intégration à la société québécoise. Ils comprennent mal les revendications nationalistes des Québécois. Et je les comprends de ne pas comprendre… puisque moi-même je ne les comprends plus, ces revendications. Aujourd’hui, nous sommes loin du Québec des années 1960, du Québec qui, même en voie de modernisation, était parsemé de poches de pauvreté, dans des quartiers de Montréal, notamment. Les jeunes de ces quartiers-là avaient toutefois accès aux études supérieures. Contrairement à la génération de nos pères et de nos mères, certains d’entre eux ont pu s’élever sur l’échiquier social pour se retrouver au sein de la classe moyenne. Paul Rose, comme plusieurs felquistes, était issue de cette génération. Mais celle d’aujourd’hui a accès à l’éducation, vit dans des maisons de banlieues avec garage double (quand ce n’est pas triple…), conduit des VUS (électriques ou non), etc. Très honnêtement, défendre les intérêts du Québec comme le font les partisans du Bloc Québécois, un parti régionaliste qui n’a plus sa place au 21e siècle, suscite en moi un malaise profond.

Bref, le Québec des années 1970 n’existe plus, même si certains groupuscules s’évertuent à dire le contraire. Aujourd’hui, cette persistance à clamer le Québec aux Québécois s’apparente plutôt à un mouvement fascisant digne d’un autre siècle. Cela dit, pour revenir aux felquistes, que cela nous plaise ou non, cette génération doit beaucoup à ces terroristes dont plusieurs se sont sacrifiés pour un Québec plus juste. Sans eux il n’aurait jamais eu ni Parti Québécois ni Loi 101 sur la langue française. Sans eux, j’ignore ce que nous serons devenus. Alors, avant de leur lancer la pierre, de les jeter à la poubelle de l’Histoire, prenons le temps d’analyse les conditions objectives qui ont permis l’éclosion d’un tel mouvement – terroriste, je dois l’admettre.