Amélie Nothomb et l’écriture

Dans son roman Psychopompe (2023), Amélie Nothomb recourt à la métaphore de l’oiseau, même si elle se défend d’employer la métaphore comme figure de style dans ses textes. En vérité, tout le thème du roman tourne autour de ce slogan : « Écrire c’est voler ». Elle fait allusion à la difficulté de l’écriture, à ce qu’on laisse derrière soi quand on s’y adonne, aux conséquences tant morales que physiques, en l’occurrence des douleurs à l’épaule qu’elle procure, du moins dans son cas. Car Amélie Nothomb écrit à la main, avec un simple stylo à bille. Ce geste répétitif consistant à consigner des mots dans des cahiers finit par lui occasionner des problèmes de santé. Quand on écrit une trentaine de minutes, ça peut aller. Mais l’écrivaine s’est donné comme discipline d’écrire chaque jour, pratiquement huit heures par jour : quatre le matin entre quatre et huit heures, et autant d’heures dans le reste de la journée, notamment pour répondre aux nombreuses lettres qu’elle reçoit de ses lecteurs. Écrire est un sacerdoce, ai-je déjà écrit dans un billet de blogue. Cette écrivaine en est un exemple éloquent.

Parfois, Amélie Nothomb a tendance à adopter un ton péremptoire quand elle parle d’écriture et de lecture. Pas dans ses écrits, toutefois, mais dans de nombreuses vidéos diffusées sur YouTube. Mais peut-être que cela est-il dû à sa personnalité, à ses yeux en constant mouvement, à sa voix parfois chevrotante. Ce n’est pas grave, au fond. Ce qu’il faut surtout comprendre, c’est qu’on a tout à fait le droit de s’inspirer de cette dame – très inspirante, par ailleurs -, mais qu’on ne doit pas nécessairement l’imiter. En écriture, comme dans tout le reste, chacun doit trouver sa voie. Dès les années 1940, de nombreux auteurs écrivaient directement à la machine. Pour ma part, je serais tout à fait incapable de revenir à l’écriture manuscrite. D’abord, j’écris avec difficulté et, même en m’appliquant, le résultat s’avère proprement illisible… En revanche, je n’écris pas à l’aide d’un logiciel de traitement de texte comme Microsoft Word. Non, j’utilise des applications de prise de notes, tout simplement. L’été olympique (2019, un roman rédigé en collaboration avec Marie-Andrée Mongeau, a été écrit sur Evernote, une application propriétaire que j’ai délaissée depuis quelques années au profit de Joplin, une application Open Source. Quant à La diversité du monde (2017), il a été écrit sur un Blackberry Passport, donc sur un téléphone, pendant les longs trajets en bus entre Pointe-aux-Trembles et le centre-ville de Montréal. En résumé, rien ne vous oblige à revenir à l’écriture manuscrite si vous avez envie de vous commettre en littérature. Écrivez comme vous le voulez, avec le moyen qui vous semble le plus approprié en fonction des circonstances. On ne peut pas tous se lever avant l’aube pour écrire, surtout quand on a une journée de travail qui vous attend après cet exercice.

Amélie Nothomb est toutefois de bon conseil quand elle souligne le travers de nombreux jeunes auteurs : la surcharge. En effet, elle recommande de ne conserver que l’essentiel d’un texte. Et aller à l’essentiel consiste à le dépouiller de ses comparaisons et métaphores abusives, éliminer les détails qui n’apportent rien au propos, offrir aux lecteurs le cœur de ce que nous avons à lui dire, lui faire ressentir ce que nous ressentons nous même en écrivant. Je suis tout à fait d’accord avec elle quand elle écrit qu’il faut harmoniser sa voix intérieure avec les mots qu’on couche sur le papier (ou qu’on tape sur un clavier, peu importe). Il faut essayer de trouver cette adéquation qui passe forcément par le style. J’ai un ami écrivain, Michel Lefebvre, qui me dit la même chose. Le style, tout est dans le style…

Écrire c’est voler, donc. Ne reprenons pas ce slogan qui ne s’adresse qu’à la célèbre écrivaine belge. Écrire s’avère un acte difficile, qui exige de l’effort, de la discipline. Écrire représente des heures de travail dans la solitude la plus absolue possible. Solitude intérieure, bien entendu, parce que certaines personnes arrivent à écrire dans des cafés bondés. Voyez comme j’avais raison quand j’écrivais ci-dessus que chacun doit trouver sa voie, celle qui lui correspond. Trouver sa voie, tout passe par là.

Vous savez, moi, je ne donne aucun conseil. Sans doute parce que je me considère pas comme un écrivain… À peine un écrivailleur qui barbouille cinq cents mots par jour, sans même savoir où ça peut me mener. En matière d’écriture, ma seule certitude est que je suis plus heureux quand j’écris que quand je n’écris pas. Et là je paraphrase Thierry Crouzet, blogueur et écrivain français. Qu’il me pardonne l’emprunt.