Noël, une fête au coeur de l'enfance
Daniel Ducharme | Fiction | 2024-12-15
Devrais-je parler de Noël ? Est-ce important ? Mon fils est un adulte, mes parents sont morts, mes frères et sœur dispersés, et le christianisme résiduel se fait de plus en plus ténu. Même la grande fête consumériste a perdu de sa superbe avec le climat socio-économique actuel : inflation galopante, incertitude économique, pressions environnementales. Noël est de plus en plus devenu une contrainte, même si j'apprécie encore le moment de calme du 24 décembre au soir où, dans l'intimité de ma famille immédiate, nous échangeons des cadeaux. De petits cadeaux, bien entendu.
Noël se situe au cœur de l'enfance. On a beau le mépriser, le décrier, le dénoncer, il demeure profondément ancré en nous. Comme la princesse des contes de fées, un simple baiser suffit à la réveiller, suscitant un mélange de gaieté et de tristesse. Gaieté parce que son sens initial perce encore un tout petit peu sous le poids des ans. Toute naissance est une promesse, n'est-ce pas ? Et Noël en célèbre une, même si peu de gens prennent la peine de se le rappeler. Tristesse parce que l'enfance n'est plus et, le soir du 24 décembre, on ne peut faire autrement qu'accueillir tous les gens disparus du Noël de notre enfance qui ne se gênent jamais pour frapper à la porte de notre cœur, si endurci soit-il par les années. On pense alors à notre mère, à notre père, à nos oncles, à nos tantes, à nos cousins et cousines. Ceux et celles qui ont de petits enfants peuvent encore échapper à cette tristesse. Ce n'est pas mon cas, et ne le sera peut-être jamais, je n'en sais rien.
Même les événements empreints de frustration sont enjolivés dans nos souvenirs. Comme ce Noël de mon enfance, alors que nous habitions sur la 6e Avenue à Pointe-aux-Trembles, cette petite ville de la portion orientale de l'île qui n'avait pas rejoint encore Montréal en tant qu'arrondissement. Ce jour-là, après la Messe de Minuit, mes parents nous avaient offert, à mes frères et à moi, une petite table de billard que nous avions installés dans la partie centrale de notre logement, un espace circulaire qui permettait d'accéder aux autres pièces de la maison. Mais aussitôt installée, voilà que mes trois oncles et mon père, déjà sous l'effet de l'alcool, s'en emparèrent, de sorte que mes frères et moi, n'avions pas été en mesure de jouer au billard, ne serait-ce qu'une seule partie… Impuissants, nous étions condamnés à regarder mes oncles jouer jusqu'à ce que nous tombions de sommeil… Enfin... même ce Noël-là figure parmi les plus beaux de mon enfance !
Me voici vieux et, pour l'heure, je pense surtout à ma mère, cette femme qui incarnait plus que tout cette fête magique de mon enfance. Ma mère qui, le soir de Noël, avait le don d'ubiquité, tantôt à la cuisine, tantôt au salon, allant d'une personne à l'autre, ne manquant jamais de me serrer dans ses bras à la moindre occasion, même si je n'acceptais pas facilement qu'elle le fasse. C'est vers elle que se dirigent mes pensées en cette veille de Noël. Alors, je suis un peu triste... mais la gaieté reviendra un peu plus tard dans la journée.