Les mots de la fin

Musique et homosexualité - Copland, Boulanger, Bernstein


Daniel Ducharme | Culture | 2024-09-15


Cette semaine, j'ai écouté le très beau concerto pour clarinette d'Aaron Copland (1900-1990). Je ne connaissais pas ce compositeur américain. Sur Wikipédia, il est écrit qu'il était homosexuel et qu'il avait l'habitude d'emmener ses jeunes amants en tournée, souvent des musiciens talentueux par ailleurs. Lors de son séjour à Paris, il s'est lié à Nadia Boulanger (1887-1979), une pédagogue et chef d'orchestre, sœur aînée de Lili, une grande compositrice morte à l'âge de vingt-cinq ans. Nadia Boulanger ne s'est jamais mariée. Était-elle homosexuelle ? Ou souhaitait-elle simplement ne pas s'encombrer d'un mari et d'une famille afin de vaquer à ses activités ? On ne sait pas.

L'univers de la musique est particulier. Remarquez, j'aurais pu évoquer celui de la littérature, notamment Marcel Proust, écrivain homosexuel comme beaucoup d'autres, sans qu'aucun d'eux ne revendique ce statut sur la place publique, même si tout le monde savait... Parfois, je regrette ce temps-là, un temps où on n'exposait pas sa vie sexuelle dans les médias, un temps où on souffrait aussi, sans doute, comme aujourd'hui... mais en silence ! Un temps, enfin, où la sexualité conservait une auréole de mystère dont on parlait pas ou peu, ou alors par ellipse, comme André Gide ou Henry de Montherlant, voire Julien Green. Et même dans les nombreux journaux intimes que nous ont transmis les musiciens, écrivains et artistes, il est rare qu'on mentionne la sexualité.

Après l'écoute de Copland, un peu par hasard, j'ai écouté Maestro sur Netflix, un film américain de Bradley Cooper (2023) sur la vie du compositeur et chef d'orchestre Leonard Bernstein (1918-1990). À l'instar d'Aaron Copland, lui aussi était homosexuel, ce qui ne l'a pas empêché de se marier avec Felecia Montealegre et d'avoir trois enfants. Mais comme vous le savez, l'homosexualité n'est pas un choix, ni une orientation, mais une inclinaison que l'on porte en soi. Alors, le maestro n'a eu pas d'autre choix que de vivre son homosexualité, tout en restant fidèle en amitié à son épouse dont il s'est occupé jusqu'à sa mort des suites d'une longue maladie. Personnellement, ce comportement l'honore et rappelle que, souvent, les homosexuels (les gays pour parler du sexe masculin), vivent de grandes amitiés avec des femmes. Je l'ai toujours constaté dans l'entourage des quelques homosexuels que j'ai connus dans ma vie.

Socialement, l'homosexualité était peut-être mieux acceptée dans les milieux culturels, mais ce n'était certainement pas le cas dans les autres secteurs de la société. Quand on est homosexuel, il vaut peut-être mieux vivre au 21e siècle, et si possible, dans la portion occidentale du monde. Toutefois, aujourd'hui, un autre maestro, Yannick Nézet-Séguin, peut vivre son homosexualité en toute quiétude, mais il n'en était pas ainsi au temps de Copland et de Bernstein. En sera-t-il encore ainsi dans les prochaines années ? Force est de constater que le mouvement trans, qui intègre les homosexuels dans leur communauté (la LGBTQ+), suscite le malaise et, par voie de conséquence, la montée d'un courant conservateur, voire rétrograde, souvent identifié à droite sur l'échiquier politique. Je trouverais infiniment regrettable, voire d'une tristesse sans nom, d'observer un recul social à l'endroit des homosexuels. Le monde devrait faire l'économie de ces souffrances inutiles.


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