Les mots de la fin

Eternal Flame, une chanson de The Bangles


Daniel Ducharme | Critiques | 2023-08-15


Récemment, en regardant des vidéos sur YouTube, j'ai cliqué sur l'image d'une femme que Google a placée dans la colonne de droite à mon intention. Un beau visage de femme de type oriental avec de grands yeux, sombres et profonds. Attisé par ce regard, j'ai cliqué sur l'image, ce qui a enclenché le démarrage d'une vidéo de la chanson, en live, Eternal Flame de The Bangles, un groupe de rock composé de quatre femmes originaires de Californie qui a connu beaucoup de succès dans les années 1980. Le visage et les yeux en question, ce sont ceux de Susanna Hoffs, la chanteuse principale du groupe. Selon Wikipédia, elle serait issue de parents juifs, ce qui explique sans doute l'aspect oriental de sa physionomie.

En écoutant cette ballade, dont les paroles sont typiques des chansons d'amour que l'on entend sur les ondes depuis des lustres, je suis tombé sous le charme. Du coup, je l'ai écoutée plusieurs fois et ce, dans des versions en public et en studio. Ensuite, je me suis demandé pourquoi cette chanson, à ce moment précis de mon existence, a eu pour effet de susciter une pointe de nostalgie en moi, ce sentiment composite, ce mélange de joies et de peines en souvenir d'événements diffus qui, de toute façon, ne reviendront pas et que parfois, il faut bien l'avouer, notre mémoire enjolive. Puis je me suis souvenu d'avoir entendu ce passage, ce phrasé plutôt, quand Susanna Hoffs demande : Do you feel the same ? Et là, j'ai compris que cet air n'avait jamais quitté ma mémoire. En effet, depuis des années, je le fredonne en m'acquittant des différentes tâches de la vie quotidienne. Cet air, je l'attribuais faussement à un passage de la chanson de Shakira, Underneath Your Clothes, même si, après vérification, j'ai constaté que ce n'était pas tout à fait ça. Puis le lendemain, je me suis souvenu d'avoir écouté une vidéo, probablement sur la chaîne Musique Plus, il y a une vingtaine d'années. Et cette fois-ci, j'ai cru plutôt que c'était la chanteuse britannique Sade (Helen Folasade Adu, née aussi en 1959 comme Susanna Hoffs) qui le chantait, cet air que je n'arrivais pas à retrouver. Mais là, encore, je faisais fausse route. Eh bien, aujourd'hui, plus de trente-cinq ans plus tard (Eternal Flame a été diffusée en 1988), j'ai enfin compris que c'était le groupe rock féminin The Bangles, que je ne connaissais pas du tout, qui l'avait composé, et que c'était la jolie voix de Susanna Hoffs que j'entendais chanter Do you feel the same? À une amie qui s'étonnait que je ne connaissais pas ce groupe, je lui ai rappelé que, entre 1988 et 1994, je vivais dans des îles le long des côtes africaines, donc très loin d'un pays occidental et que, là où je me trouvais, il s'avérait impossible de suivre l'actualité musicale, surtout celle du rock. Or, Eternal Flame tournait justement à la radio pendant ces années-là.

The Bangles

Il y a la chanson, bien entendu, qui pose la question de l'amour partagé, un phénomène plus rare qu'on le croit et qui constitue toujours un moment heureux de l'existence humaine. Mais il y a l'image aussi, celle du visage au teint légèrement mat de Susanna Hoffs et, surtout, de ses yeux d'une beauté peu commune. Des yeux couleur d'écorce d'une profondeur enivrante. Et ces yeux, je le comprends bien maintenant, me renvoient à une jeune fille que j'ai fréquentée, en tant qu'ami (elle n'a jamais voulu sortir avec moi), pendant les premières années de l'âge adulte, cette jeune fille que je n'ai jamais réussi à chasser des profondeurs de mon être. Peut-être est-ce cela que le regard de la chanteuse a réveillé en moi ? Qui peut prétendre connaître tout ce qu'il y a d'enfoui dans notre mémoire ? Parfois, il faut un déclencheur, comme la fameuse madeleine d'À la recherche du temps perdu de Marcel Proust.

Revenons à la chanson, une ballade comme celles qui ne vous lâchent plus pendant deux ou trois jours, un véritable ver d'oreille. Musicalement parlant, sa structure s'avère plutôt atypique pour une pièce de cette nature. En voici le déroulement schématique :

Strophe 1 (voix de Susanna Hoffs)
Strophe 2 (voix de Susanna Hoffs)
Couplet (voix de Susanna Hoffs)
Partie instrumentale basée partiellement sur la strophe 1 (solo de guitare)
Couplet (voix de Susanna Hoffs)
Strophe 1 (voix de Susanna Hoffs)
Strophe 1 reprise deux fois par le chœur avec modulation de Susanna Hoffs

J'ai employé le mot strophe comme en poésie parce qu'on ne saurait parler de refrain dans cette ballade. Généralement, les chansons populaires adoptent une structure couplet 1 + couplet 2 + refrain + solo + couplet 3 + refrain + refrain et ce, pour une pièce de moins de trois minutes. Eternal flame dure près de quatre minutes, donc légèrement plus longue que la moyenne des chansons populaires. La mélodie (strophe) est reprise six fois en tout si on tient compte du fade-out. Six fois, mais on ne s'en lasse pas. Et j'imagine que c'est ce qui a fait le succès de cette chanson.

Cette chanson populaire ne vous fera certainement pas le même effet à vous. Comme me le disait Paul Laurendeau, une chanson, une musique, ne signifie rien en soi : c'est la personne qui lui prête l'oreille qui lui donne tout son sens, et le ressenti varie d'une personne à l'autre. Mais vous ne perdrez rien à l'écouter...

Eternal Flame / The Bangles, extraite de l'album Everything sorti en 1988, co-écrite par Susanna Hoffs



Liens vers les vidéos d'Eternal Flame sur YouTube

Vidéo de la version officielle

Vidéo de la version en spectacle, que je préfère à la précédente pour le regard de Susanna Hoffs...


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