Ce monde m'ennuie
Daniel Ducharme | Société | 2023-04-01
Ce monde m’ennuie. Ce monde où, sans doute, je n’ai plus ma place, et il est trop tard pour que je m’en taille une autre. Je vais sur mes soixante-huit ans. Ne l’oublions pas, c'est déjà plus que l’âge universel de la retraite dans de nombreux pays. Peu importe, je m’ennuie et, quand je prends connaissance des médias le matin en prenant le petit-déjeuner, c’est encore pire. Sur quoi écriraient les journalistes s’il n’y avait pas la pandémie, la guerre, les catastrophes ? Aujourd’hui, deux ou trois articles sont consacrés au rapport d'une commission d'enquête fédérale aussi insipide qu'inutile. Heureusement qu’il y a la guerre en Ukraine pour nous distraire un peu. L'Ukraine, qui a permis à l'Occident de reprendre la course aux armements en toute légitimité. Que voulez-vous ? Il leur faut des chars d'assaut, des avions, des canons, à l'Ukraine, avancée occidentale à la frontière de l'Empire de toutes les Russies. Au lieu du jeu hypocrite que jouent les pays d'Europe et d'Amérique, pourquoi ne pas taper bien fort sur la table afin de forcer l'Ukraine et la Russie à s'asseoir pour trouver un terrain d'entente. Tout est possible aux hommes et aux femmes de bonne volonté, à la condition d'en avoir, de la volonté, bien entendu. Visiblement, la guerre arrange tout le monde, sauf les familles ukrainiennes et russes qui perdent des centaines de leurs enfants chaque jour. Mais l'industrie de l'armement fait des affaires d'or, c'est sûr.
Tant de platitude pour des médias qu’on sent en fin de vie, tout comme moi, d'ailleurs. Les médias se sont transformés, du moins ceux qui ont réussi à survivre dans ce monde en bouleversement technologique constant depuis les années 2000. Mais il n’en demeure pas moins que le gros d’un journal est basé sur l’événement, sur la donnée brute et sur les opinions qui en découlent. Très peu d'articles de fond, très peu d’investigations qui ne soient pas biaisées dès le départ par des présupposés, par des préjugés, ou par l'orientation du gouvernement fédéral quand il est question de politique étrangère. Oui, la presse carbure aux opinions, maintenant, à tous ces chroniqueurs, de droite comme de gauche, unis sous une même barrière journalistique, celle de l'émotion. Qu’ai-je à faire de l’opinion d’une pimbêche qui prétend que la source des maux est le capitalisme lui-même ? Pauvre petite… Visiblement, elle ne se balade pas souvent dans les banlieues de Montréal où chacun a sa voiture, son garage double, son écran géant, ses vacances dans le sud, etc. Comment peut-elle envisager, ne serait-ce qu’un seul instant, renverser le système capitaliste avec ces gens-là ? À moins qu'elle place ses espoirs sur les nouvelles générations. Pourquoi pas ? Ça ne sera pas la première dans l'histoire du monde occidental.
Je ne peux pas faire grand-chose pour ce monde qui m'ennuie. Certains s'agitent en vain pour des causes qui ont surtout pour effet de leur donner bonne conscience. Comme cette juge à la retraite qui souhaite parrainer des avocates afghanes. Comme si ça changerait quelque chose. On peut en sortir 20 000 comme cherche à le faire le gouvernement du Canada. Soit. Mais ils en resteront toujours 39 millions ! Est-ce que ces humanitaires pensent à ceux qui restent ? Parfois, j'en doute sérieusement, même s'ils se disent que c'est au moins ça… Il est vrai que 0,02% d’une population, c’est mieux que rien. Mais comment vivront-ils, ces planqués, dans le froid de l’hiver ? Au moins, ça nous fera de la main-d'œuvre, remarquez… et c’est ce qui nous manque le plus, ces temps-ci, de la main-d'œuvre… Non, décidément, ce monde m'ennuie. Aussi bien reprendre ma lecture d'Alexandre Dumas...