Dialogue autour de Spinoza, Dieu et la morale
Daniel Ducharme | Idées | 2023-03-07
Après avoir visionné, sur YouTube, une vidéo sur Spinoza, M m'a fait part de ses impressions que, bien respectueusement, j'ai transformées en dialogue. Une discussion sans fin.
M : Personnellement, je crois davantage à un dieu comme celui conçu par Spinoza. Un dieu qui serait présent dans tout ce qui vit.
D : C'est du panthéisme. Selon Wikipédia (voir article *panthéisme*), Spinoza aurait développé un panthéisme formel qui identifie le monde à Dieu. Ainsi, la nature serait la simple manifestation de l'Absolu. Bref, le monde est l'émanation de Dieu, rien de moins. Dieu est la seule réalité.
M : Soit. Par contre, j'apporterais quelques nuances. Même si je suis d'accord avec Spinoza sur le fait que ce dieu n'interviendra pas pour changer le cours des évènements dans nos vies (sans quoi, personne ne souffrirait), j'estime que le recours à la prière peut aider à percevoir les choses autrement, avec joie et sérénité, voire avec force et courage.
D : Si Dieu existe et qu'il n'a aucune incidence sur nos vies, alors je me demande bien ce que nous en avons à faire. La prière, normalement, est un moyen d'entrer en contact avec la divinité. Dans les faits, la prière a surtout un effet apaisant pour celui ou celle qui la récite, notamment en raison du mantra inhérent à toute prière. Là-dessus, je suis pleinement en accord avec toi.
M : Et contrairement à Spinoza, je crois en une vie après la mort. Je crois simplement que cette vie n'est pas individuelle. Chacun de nous rejoint tous les autres. En un grand *tout*. Comme le corps qui se transforme pour rejoindre la terre et se mêler à elle, nos pensées et nos émotions se transforment pour se mêler à celles des autres. De tous les autres. Qu'en penses-tu ?
D : Je ne sais pas s'il y a une vie après la mort mais, s'il y en a une, c'est forcément sous la forme d'un pur esprit, donc une vie dépourvue d'enveloppe matérielle, de corps si tu préfères. Encore là, il faudrait savoir en quoi ça nous affecte concrètement. Vaut-il la peine de semer le bien autour de soi si Dieu n'est en mesure de nous accorder un salut, une récompense après la mort ?
M : Je l'ignore, mais je suis d'accord avec Spinoza pour dire que dans l'absolu, il n'y a ni bien ni mal. On définit le mal de façon égoïste et narcissique, selon ce qui nous heurte. Mais chaque personne agit selon sa propre morale. Ainsi, donc, le "mal" est une notion un peu absurde. Personnellement, je sais que je suis plus heureuse lorsque je rends les gens que j'aime heureux que lorsque je rends les gens que je déteste malheureux, mais, dans un autre contexte, j'aurais pu opter pour ce deuxième choix. Non ?
D : Non, pas non. Pour ma part, je crois au mal, à la volonté délibérée de nuire à autrui qu'entretiennent certaines personnes animées par les forces obscures du mal. Je crois qu'il y a des gens méchants, même si nous avons tous un part de bonté en nous. Mettons qu'on naît bon, mais qu'on devient méchant en raison des circonstances de la vie. À mon humble avis, la question du mal se pose dans le contexte d'un principe ou d'une valeur morale. Si tu pars du principe que le respect de la vie est la valeur suprême, alors forcément tout ce qui méprise la vie, y compris le meurtre, s'apparente au mal. Et ainsi de suite. Dans la tradition judéo-chrétienne, le décalogue représente la base d'une morale universelle. Reste à savoir si tous ces commandements s'avèrent toujours aussi pertinents de nos jours.
M : Le bien et le mal, ce qui nous rend heureux ou pas, la morale et Dieu, le tout dans tout... on reprendra la discussion une autre fois.
D : Je conclurais simplement en rappelant que, si Dieu existe mais qu'Il n'a aucune incidence sur nous, alors Il ne sert strictement à rien. Aussi bien se contenter de la méditation ou du comptage de moutons pour apaiser notre esprit quand il fait de la surchauffe... En revanche, la pratique religieuse a présidé - et préside encore dans certaines contrées - à l'organisation sociale de nos communautés pendant des centaines d'années. Que serait le Québec sans ses paroisses ? Mais il s'agit là d'une autre question que nous aborderons une autre fois.