À Bruxelles, j'ai vu...
Daniel Ducharme | Fiction | 2014, mise-à-jour : 2022-06-15
À Bruxelles, j'ai vu...
… des jeunes filles blondes et rousses qui portaient des vêtements de cuir aux bordures cloutées. Dans leurs pieds, elles chaussaient toutes des bottes militaires, comme si elles avaient un combat à mener. Du banc sur lequel je reposais, je les ai entendues converser entre elles dans une langue que je ne connaissais pas. Du néerlandais, je présume. Aucune d'elles ne riait ni ne souriait, ce qui m'a étonné car, normalement, on a tendance à rigoler un peu quand on se joint à un groupe de jeunes. Pas elles. Elles étaient jolies, ces jeunes filles, mais terrifiantes en même temps. Sur le sac à dos de la rousse, j’ai remarqué un symbole qui rappelait la croix gammée. Mais je peux me tromper, ou plutôt, je VEUX me tromper car, voyez-vous, j’ai un faible pour les rousses et cela m’aurait grandement attristé de penser que cette fille, si jeune et si jolie, puisse adhérer à ce genre d’idées. Il s’agissait probablement d’un emblème associé à une quelconque culture soft punk. Après tout, qu’est-ce que je connais, moi, des mouvements de la jeunesse des dernières années ? Je ne me suis pas attardé plus longtemps à les regarder et je me suis levé, comme le vieux en devenir que je suis, pour poursuivre mon chemin.
À Bruxelles, j'ai vu...
… des femmes foulardées en pagaille qui déambulaient dans les rues avec des poussettes remplies d'enfants aux rires sonores. Ce sont sans doute les femmes les plus manifestement heureuses qu'il m'ait été donné de voir sur le territoire belge. Pourtant, comme les jeunes filles à l’allure militaire de la Grand-Place, elles étaient tout de noir vêtues. Dans la rue Neuve, une rue commerçante non loin de la vieille ville, l'une d'elles mangeait une gaufre sur laquelle était déposée, dans un équilibre fragile, une énorme pelletée de crème. Partout autour on pouvait entendre le rire de ces femmes et de leurs enfants. Visiblement, on ne craint pas l'adoption d'une charte de la laïcité par ici...
À Bruxelles, j'ai vu...
… d'autres femmes, identifiées aux gens du voyage, qui mendiaient dans les quartiers touristiques avec des enfants d'âge scolaire dans les bras, ce qui, je m'en souviens, m'a fendu le cœur. Et ça m'a mis en colère, aussi, parce qu'aucune Direction de protection de la jeunesse venait les soustraire à leurs mères. La Belgique, tout comme la France d'ailleurs, ne s'autorise pas le droit de protéger les enfants qui grandissent sur leur territoire ? Honnêtement je ne comprends pas. On ne cesse de clamer haut et fort que les enfants doivent constituer notre priorité collective en tant qu'humains humanisant. Quoi, de l'humanité, les Roms n'en feraient pas partie ?
À Bruxelles, j'ai vu...
… trois groupes de femmes, donc. Trois visages de la diversité d'une ville occidentale, capitale de l'Europe.