Les mots de la fin

Analphabétisme


Daniel Ducharme | Mots | 2022-04-15


Selon Wikipédia (2021), l’analphabétisme est « l'incapacité ou la difficulté à lire, écrire, comprendre un texte/phrase et compter, le plus souvent par manque d'apprentissage.» Il se distingue de l'illettrisme qui toucherait des personnes ayant reçu cet apprentissage - des personnes scolarisées, donc - mais qui ne maîtrise pas ou plus la lecture, l’écriture et le calcul. Autrement dit, l’illettrisme serait une forme d’analphabétisme.

Dans un article publié en 2012 dans La Presse, la chroniqueuse Rima Elkouri nous rappelait que toutes nos prétentions à faire du Québec un lieu d’épanouissement de la langue française s’annihilent face à une statistique massue: un Québécois sur deux serait un analphabète fonctionnel. Cela veut dire que plus de 50℅ des gens parviennent à vivre à peu près normalement (écouter la télé, conduire une voiture, utiliser un smartphone)… mais s’avèrent incapables de lire un article de 500 mots dans un journal à en comprenant le sens.

Un peu plus tard, dans un autre article de La Presse, cette fois rédigée par la journaliste Katia Gagnon, nous pouvons constater les faits statistiques suivants sur l’analphabétisme au Québec :

  • 6% des adultes au Québec, soit 276 000 personnes, sont à peu près incapables de lire et d’écrire. Ils sont incapables de: faire un chèque, lire la dose prescrite pour un médicament, lire le nom d’une rue.
  • 3% des adultes québécois, soit 606 000 personnes, peuvent tout au plus repérer un mot familier dans un texte simple. Ils sont incapables de remplir la majorité des formulaires, d'aider leurs enfants dans leurs devoirs.
  • 55% des adultes du Québec n’atteignent pas le niveau 3 de littératie défini par Statistique Québec, le niveau jugé minimal pour fonctionner dans notre société. Ils n’ont donc pas la capacité de lire un texte relativement long, d’y repérer des éléments et de les apparier en faisant des déductions simples. Ils sont par exemple incapables de repérer les films non recommandés aux jeunes enfants dans un horaire de cinéma qui compte une vingtaine de films différents.

55% des adultes d’un État comme le Québec, cela représente des milliers de personnes… Du coup, cela m’inquiète. Non pas du phénomène comme tel, mais de cette sorte de consensus qui se fait autour de son silence. Car c’est le propre des sociétés qui préfèrent la nation au monde, le culturel à l’universel, de taire ce dont on a honte. Et le Québec se reconnaît dans une telle société. Vous vous rendez compte? Plus de cinquante ans après la Révolution tranquille qui aurait fait du Québec une société moderne, des milliers de gens savent à peine lire… Et que fait-on chez ÉLP éditeur quand plus de 50% d’une clientèle cible n’est pas en mesure d’apprécier la plume d’Allan E. Berger, de Nicolas Hibon ou de Paul Laurendeau ? Pour qui écrit-on dans les faits ? Nous pouvons bien parler de surdouance, créer des programmes d’élite, mettre sur pied des sections « internationales » dans nos écoles, le phénomène s’amplifie et ce, d’autant plus qu’il est socialement nié.

L’analphabétisme est un enjeu de société qui compromet l’exercice de la démocratie. Il laisse dans l’ombre un large pan de la population qui n’a pas accès à la littérature, pratique favorisant l’ouverture au monde. En raison des conséquences néfastes que l’analphabétisme provoque chez les individus en société, elle devait constituer une priorité pour tout État démocratique digne de ce nom.

Mais d’aucuns croient sans doute que le lieu de l’expression démocratique s’est déplacé vers les réseaux sociaux. Je vous laisse juger de la qualité de la langue dans la suite sans fin de commentaires qu’on peut y lire...


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