Les mots de la fin

Une question essentielle (Métaphysique et recherche de sens 1)


Daniel Ducharme | Idées | 2021-05-01


Est-ce que Dieu existe ? Si oui, en quoi peut-il jouer un rôle dans notre vie et, plus largement, dans le monde ? Et s’il n’existe pas, Dieu, alors qu'est-ce qui justifie notre existence ? Qu'est-ce que nous faisons sur Terre, en fait ? Sommes-nous simplement des mammifères comme les autres, en plus intelligents ? Quel est le but de notre vie si nous admettons que nous sommes des êtres de finitude ? Avons-nous seulement un but ?

C’est ce genre de questions que nous nous posions, Jean-Luc et moi, quand nous avions dix-sept ans. Nous en discutions pendant des heures le midi, dans un petit restaurant du village, nom qu’on attribuait au « centre-ville » de Pointe-aux-Trembles au milieu des années 1970. Des questions qui n’ont jamais été résolues, même si, pour plusieurs d’entre nous, le compte de l’existence de Dieu a été vite réglé : il a suffi de se déclarer agnostique et le tour était joué. Des jeunes d’aujourd’hui utilisent aussi cette même tirade pour éviter de réfléchir à la question de l’existence d’un être supérieur, d’un être plus grand que nous. Ils se disent que, puisqu’on ne sait pas, et qu’on n’est pas en mesure de savoir, alors il ne sert à rien de continuer à se poser ces questions-là. Et ils passent à autre chose.

Supposons qu’on arrive à la conclusion qu’il existe, cet être suprême, on ne serait pas nécessairement rendu au bout de nos peines. Car une fois admise l’existence de Dieu, qu’est-ce que nous faisons après ? Faut-il lui rendre un culte, à ce Dieu ? Faut-il adhérer à une religion et, si oui, laquelle ? C’est la question que je me suis posée après la lecture de La nuit de feu d’Éric-Emmanuel Schmidt (Albin-Michel 2015). Cet auteur, très populaire auprès de certaines personnes, a raconté dans ce roman une illumination : il aurait eu la révélation de l’existence de Dieu lors d’un voyage dans le désert du Sahara. C’est un beau roman, bien raconté comme sait le faire cet écrivain, mais je n’ai jamais vraiment compris en quoi cette révélation a changé sa vie. Est-il devenu catholique ? A-t-il embrassé l’islam ? A-t-il adopté la philosophie bouddhiste du petit véhicule ? Personnellement, vous avez beau me dire que Dieu existe et que vous l’avez rencontré, si cet aveu n’a aucune conséquence sur votre vie et sur celle de vos proches, ce n’est rien d’autre que du vent… Aussi bien continuer à se prétendre agnostique, alors.

Je n’ai plus dix-sept ou dix-huit ans depuis très longtemps. Jean-Luc avait placé le plaisir au centre de son existence. Quant à Sinclair Dumontais, un autre ami avec lequel je discutais beaucoup de ces questions-là, la vie était tout simplement absurde. Et ces deux amis avec lesquels j’abordais ces questions essentielles ont décidé de ne pas devenir aussi vieux que moi. En moins de quatre ans d’intervalle, ils ont sauté dans le Grand Néant, sans doute convaincus d’atteindre le summum de la vacuité, là où on ne ressent plus ni souffrance ni joie. Je respecte leurs décisions, bien que je déplore leur choix, car ils ont fait souffrir des vivants. Mais ce n’est pas le propos de ce billet. Poursuivons.

Personnellement, je ne peux pas me satisfaire de vivre comme si cette question de l’existence de Dieu n’avait pas d’importance. Je ne peux pas non plus accepter que le plaisir soit le seul moteur de l’existence, et encore moins me convaincre que l’absurdité en constitue la base. Accepter le plaisir comme justification à la vie humaine revient à vivre comme des porcs. Or, je ne suis pas un porc, même si je reconnais que je suis un mammifère - doué de raison, somme toute. C’est pour ça qu’au fond de moi, même si je n’ai pas nécessairement la foi, du moins je n’en suis pas certain, je continue à rechercher le sens des choses… C’est ce que font de nombreuses personnes aussi, des intellectuels  comme des charlatans. Certains en font même le commerce, une activité lucrative mais toujours trompeuse, car il n’y a pas de réponses claires et définitives à cette question essentielle, et ceux qui prétendent le contraire sont des imposteurs. Non, il n’y pas de réponse définitive, mais le fait de déployer des efforts pour éclaircir la question, pour la circonscrire, pour la décomposer en segments, en quelque sorte, enrichit notre conscience d’être au monde.

Et c’est déjà ça…


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