Attente
Daniel Ducharme | Mots | 2011, mise à jour : 2019-02-15
L’attente correspond d’emblée à la durée, au laps de « temps pendant lequel on attend » (le Petit Robert, 1987). Mais l’attente, c’est aussi – et surtout, ai-je envie d’ajouter – « l’état de conscience de celui qui attend ». Dans la mesure où il repose en bonne partie sur ce qu’on attend, donc sur l’objet de notre attente, cet état peut générer de l’anxiété… tout comme il peut provoquer de la fébrilité, de l’excitation pour la personne en attente, excitation qui a pour effet de rehausser la qualité de son existence. Car attendre, c’est anticiper, se délecter à l’avance d’une chose qui sera bientôt à nous. En ce sens, l’attente est étroitement associée au plaisir. L’écrivaine française Michèle Gazier en témoigne:
« J’ai compris par la suite que le plus beau du vouloir est dans l’attente. L’attente est un voyage immobile au cours duquel tout est possible, même ce que l’on n’a pas imaginé. Ulysse n’est Ulysse qu’avant d’avoir rejoint les rives d’Ithaque, lorsqu’il a seulement le désir du retour au cœur, qu’il est dans l’attente des retrouvailles. L’attente, c’est l’espace du romanesque. C’est la page blanche sur laquelle tout peut être écrit. » (Les garçons d’en face , Seuil, 2003, p. 163)
Si l’attente participe au plaisir humain, qu’en est-il de l’espérance, cette notion chrétienne qui constitue, avec la foi et la charité, une des trois vertus théologales ? En portugais, attendre se dit esperar, un indice qui démontre hors de tout doute que l’attente n’est jamais très éloignée de l’espérance… D’ailleurs, Wikipédia (2013) définit l’espérance comme une disposition de l’esprit humain qui lui fait attendre un bien important qu’il désire et qu’il croit pouvoir se réaliser. Et si la nuance entre les deux mots résidait dans la « durée » ? Comme me le soulignait une amie, dans sa très grande naïveté : « Quand tu espères, t’attends longtemps… »
Peu importe, ne craignez donc pas l’attente car, qui sait, celle-ci constituera peut-être le meilleur moment de ce que vous vous apprêtez à vivre, celui dont vous vous souviendrez par la suite, quand l’objet de votre attente subira l’oblitération du temps et qu’il n’en restera plus rien.