Dealer
Daniel Ducharme | Mots | 2013, mise à jour : 2018-08-15
Dealer est un mot anglais qui désigne en français ce sous-produit du genre humain, cette sorte d’excroissance nauséeuse, ces déchets sur pied qui fleurissent à l’ombre des villes, bref, comme l’indique en toutes lettres le Petit Robert (1987), le revendeur de drogue. Le dealer tue des gens. Pas comme le tueur violent, non. Pas comme le voleur maladroit qui, au moins, a l’excuse des circonstances. Non, il les tue de manière indirecte, lente, causant la déchéance de ses victimes grâce auxquelles il s’enrichit. Et pour s’enrichir davantage, il les maintient en vie le plus longtemps possible. La déchéance des hommes et des femmes sous l’emprise des dealers peut prendre plusieurs formes : prostitution de rue, vol à la tire, quête désespérée à la porte du métro, etc. Certains vont même jusqu’à devenir des dealers eux-mêmes pour continuer à consommer, devenant ainsi des victimes qui vivent sur le dos d’autres victimes, le tout culminant dans un cercle aussi vicieux qu’infernal. Les dealers sont des morts en sursis car, heureusement pour nous, ils ne vivent jamais très longtemps.
Si les dealers se contentaient de mourir avant l’âge de trente-cinq ans sans laisser de descendance, nous pourrions encore pardonner leurs activités iniques. Malheureusement, ils laissent trop souvent derrière eux des enfants qui n’ont rien demandé et qui, à cause d’eux, sont élevés sans amour parental dans des institutions publiques ou des familles d’accueil. Et cela, c’est le plus grand drame que puisse vivre un être humain.
À l’instar de Paul Laurendeau, d’aucuns considèrent le dealer comme la représentation du capitalisme sauvage. En effet, comme le capitaliste, au mépris du danger pour quiconque, il cherche le produit euphorisant poussant sa dope à la consommation absolue, le coupe de saloperies toxiques diverses pour élargir ses marges et ne prend aucune responsabilité sociale au sujet de l’origine, notamment criminelle, à tout le moins douteuse, des paiements qu’on lui fait. Le petit dealer de rue est sans doute le simple cas d’espèce d’un paumé et tire-laine du capitalisme commercial. Il en est l’émanation extrême et la scorie malpropre dont on se dédouane. Il n’en demeure pas moins un être abject dont on peut contester l’humanité.
Moralité (qui n’en est pas vraiment une puisque le fait s’avère indéniable) : ceux qui achètent de la drogue à un dealer encouragent le commerce illicite de ce dernier et œuvrent au maintien d’un système organisé dont la fin ultime est l’argent, rien d’autre, et a pour conséquence la déchéance de la condition humaine.