Les mots de la fin

Blogue de Daniel Ducharme

Parents


Daniel Ducharme | Mots | 2015-09-15


Les dictionnaires usuels définissent généralement les parents comme le père et la mère d’un enfant. Un enfant qui, par la force des choses, vit dans la dépendance de ses parents pendant une certaine période de sa vie. Ceux-ci se trouvent donc en situation de pouvoir par rapport à l’enfant qu’ils ont engendré. Certains en abusent, d’où l’expression « enfants abusés » qui m’a toujours semblé inappropriée pour décrire les agressions sexuelles dont peuvent être victimes des enfants. Fort heureusement, en dépit des titres des quotidiens qui étalent au grand jour des histoires toutes plus sordides les unes que les autres, la plupart des parents se comportent en parents, et non en abuseurs, élevant leurs enfants du mieux qu’ils le peuvent compte tenu du fait qu’ils vivent dans une société qui érige la performance en valeur absolue. Les parents, donc, exercent une fonction – une fonction éminemment sociale, somme toute – pour laquelle aucun mode d’emploi ne leur est fourni, si ce n’est l’héritage plus ou moins conscient qu’ils ont eux-mêmes reçu de leurs propres parents. Autrement dit, le métier de parents ne s’apprend pas dans les livres et, pour reprendre une maxime connue, j’ajouterais qu’on ne naît pas parent, on le devient et, en le devenant, on acquiert ce que les travailleurs sociaux appellent des « compétences parentales ».

Pendant longtemps la fonction parentale était étroitement associée à celle du géniteur. Pour compléter cette notion, permettez-moi de citer de nouveau Allan E. Berger, un écrivain qui me fait l’honneur de me compter parmi ses amis et qui, avec le talent qu’on lui connaît, s’autorise à enrichir mes mots à l’occasion :

Les parturientes accouchent. Ainsi, parere c’est engendrer, et ceux qui engendrent sont les parentes, pluriel de parens : le père et la mère, les géniteurs. L’extension du sens à toute la famille date du Moyen-Âge, par extraction depuis le mot parentela, qui est la parentèle : gens issus de mêmes ancêtres. Au tournant du second millénaire, le mot, qui s’est niché depuis longtemps à l’intérieur de l’état-civil, change de sens en même temps que ce dernier étend son aile sur les couples homosexuels : les parents perdent leur caractéristique exclusive d’être les géniteurs, et deviennent principalement « ceux qui élèvent les enfants » – ce qu’ils n’avaient jamais cessé d’être, sauf chez certaines familles un peu tordues où l’on fait élever la progéniture par des mercenaires.

Les parents s’avèrent donc ceux qui élèvent un enfant, et pas nécessairement ceux qui les engendrent. J’ai presque envie d’ajouter : ceux qui l’aiment, cet enfant… mais aucun dictionnaire n’indique le devoir d’aimer des parents souvent associé à l’instinct maternel, une notion remise en question par certains penseurs – philosophes, sociologues ou psychologues –, notamment parce qu’elle constitue un déni objectif du rôle du père dans l’éducation d’un enfant.

Quoi qu’il en soit, en tant que parents, on engendre - par le moyen de relations sexuelles, d’insémination artificielle ou de l’adoption - et on élève un enfant et, pour l’élever, il importe d’acquérir certaines compétences parentales afin de lui assurer un développement harmonieux. Pour ma part, si je ne rejette pas la notion de compétences parentales, je préfère parler d’amour parental, soit cet amour inconditionnel que les parents – mères et/ou pères – éprouvent pour leur enfant et qui est absolument nécessaire à l’équilibre de tout homme et de toute femme parce que cet amour, que seul une mère ou un père peut donner, constitue l’unique amour véritable et authentique qu’un individu peut recevoir au cours de sa vie et dont les formes édulcorées – l’amitié, le mariage, l’amour passionnel – ne sauraient compenser qu’en une partie infinitésimale. S’il m’arrive parfois de plaindre des individus rencontrés sur ma route, de ressentir de la pitié pour autrui, cela s’adresse essentiellement aux individus qui n’ont pas reçu cet amour-là.

Malheureusement, ils sont beaucoup trop nombreux, ces enfants qui n’ont pas bénéficié de l’amour de leurs parents, et ils devront en assumer les conséquences tout au long de leur existence. On n’a qu’à consulter les statistiques de la Direction de la protection de la jeunesse pour s’en convaincre…


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